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Inventaire des propositions pour une loi fin de vie

La présentation du texte, proposé par le Président de la République, à l’Assemblée nationale, aura lieu le 27 mai. Il est temps de faire l’inventaire des nombreuses propositions concernant une loi fin de vie à ce jour.

Je ne reprendrai pas ici les différentes étapes qui se sont succédées depuis l’annonce du Président en mars 2022 sur une loi fin de vie. Il aura fallu attendre 2 ans pour qu’un texte soit enfin proposé par Emmanuel Macron.

Le texte actuellement en vigueur est la loi Clayes Léonetti

Généré IA Illustration Christian Bensi

Ce texte concerne exclusivement les personnes en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, dont le pronostic vital est engagé à court terme et qui présente une souffrance réfractaire aux traitements.

Le malade et les proches peuvent exprimer leurs souhaits, les directives anticipées de la personne doivent être consultées. Mais c’est toujours le corps médical qui décide. Il ne s’agit ici que des soins palliatifs.

Jean Léonetti a affirmé à plusieurs reprises que la mouture 2016 de la loi Clayes Léonetti répond de façon satisfaisante. Aucune évolution ne lui semble requise.

Plus de précisions sur le texte de loi Clayes Léonetti

L’avis 139 du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) du 13 septembre 2022

Le CCNE introduit et justifie l’utilité d’une aide active à mourir. Au terme des auditions conduites par le CCNE, il apparaît que le cadre juridique actuel est satisfaisant lorsqu’un pronostic vital est engagé à court terme mais pas à moyen terme.

Le CCNE constate qu’au-delà de plusieurs jours de sédation profonde et continue, le patient peut présenter, du fait de la tachyphylaxie52 du médicament indiqué et prescrit à cette fin, des signes de réveil associés à une dégradation de son état physique.

Le CCNE souhaite qu’on renforce l’expression anticipée de la volonté du patient par la désignation plus systématique de la personne de confiance et la rédaction des directives anticipées.

La convention citoyenne sur la fin de vie et ses conclusions du 2 avril 2023

Des personnes marchent ensemble vers une fin de vie
Généré IA Illustration Gerd Altmann sur pixabay.com

184 citoyennes et citoyens tirés au sort, riches d’une diversité d’origines, d’expériences et d’opinions ont œuvrés pendant 27 jours. Le rapport fait 176 pages.

La Convention a entendu et interrogé une soixantaine d’experts et de personnalités.

J’ai retenu parmi les propositions phares que :

  • 97 % des membres de la convention pensent que le cadre d’accompagnement de la fin de vie doit être amélioré ;
  • 91 % que le patient doit pouvoir décider du lieu de sa fin de vie ;
  • 88 % qu’il faut renforcer de manière significative le budget dédié aux prochains plans de soins palliatifs ;
  • 85 % qu’il faut développer l’accessibilité et la consultation des directives anticipées et de la personne de confiance ;
  • 82 % que les textes actuels ne sont pas adaptés aux différentes situations rencontrées ;
  • 82 % qu’il faut respecter le choix du patient, même si celui-ci va à l’encontre de l’avis du médecin.

La convention s’est déterminée en faveur (une seule réponse possible)

  • du suicide assisté et euthanasie au choix du patient (40 %)
  • du suicide assisté avec exception d’euthanasie (28 %)
  • du suicide assisté seul (10 %)
  • de l’euthanasie seule (3 %)
  • Refuse toute évolution en terme d’aide active à mourir (18 %)

Le rapport sur l’accompagnement de la fin de vie du professeur Chauvin

Le rapport préconise la création de maisons d’accompagnement. Ces maisons d’accompagnement seraient à la fois « lieu d’hébergement pour des patients en fin de vie » et « lieu de répit temporaire pour les aidants ». L’objectif est modeste (100 maisons de 12 à 15 lits) d’ici dix ans réparties sur l’ensemble du territoire. Aucune proposition ne concerne l’aide à mourir.

Le texte proposé par l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité

Deux personnes âgées s'étreignent
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L’association fait des propositions dont je relaie les principales ici :

  • Toute personne, atteinte d’au moins une affection accidentelle ou pathologique avérée, grave, incurable et/ou à tendance invalidante et incurable, infligeant une souffrance physique ou psychique inapaisable qu’elle juge insupportable ou la plaçant dans un état de dépendance qu’elle estime incompatible avec sa dignité, peut demander à bénéficier d’une aide active à mourir.
  • Le médecin fait appel, pour l’éclairer, dans un délai maximum de quarante-huit heures, à un confrère accepté par la personne concernée ou sa personne de confiance.
  • Les médecins rendent leurs conclusions écrites dans un délai de quatre jours ouvrés au plus à compter de sa demande initiale. Le médecin respecte la volonté du patient.
  • L’aide active à mourir ne peut avoir lieu avant l’expiration d’un délai de deux jours à compter de la date de confirmation de la demande.
  • Si la personne majeure est hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin, la personne de confiance rend compte de la volonté de la personne ; son avis ou son témoignage prévaut sur tout autre. Elle a accès à son dossier médical.
  • Les directives anticipées expriment les souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie ; la demande d’aide active à mourir est formulée dans ces directives. Elles s’imposent au médecin, qui doit les respecter car elles sont valables sans condition de durée.
  • Le médecin n’est pas tenu d’apporter son concours à la mise en œuvre de l’aide active à mourir ; dans le cas d’un refus de sa part, il doit, dans un délai de deux jours à compter de la demande, s’être assuré de l’accord d’un autre praticien, et lui avoir transmis le dossier.

Le texte proposé par le Président de la République

Deux personnes âgées marchent soutenus par une canne
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Il existe deux sources à ce jour (23/03/2024) pour la proposition de texte : les propos du Président à La Croix et Libération et le texte présenté au Conseil d’Etat que l’AFP a pu consulter.

Le patient devra être majeur et français, ou du moins habiter de longue date dans le pays.

Il devra être capable d’un discernement plein et entier, atteint d’une maladie incurable avec pronostic vital engagé à court ou moyen terme et subissant des souffrances réfractaires physiques ou psychologiques ne pouvant être soulagées.

Après la demande du patient, deux jours d’attente sont prévus pour tester la solidité de la détermination.

Le médecin consulté sera obligé de solliciter l’avis de deux personnes : un spécialiste de la pathologie concernée, qui ne connaît pas le patient, et un soignant non-médecin, qui aura lui de préférence accompagné le malade.

Aucun soignant ne pourra en revanche être impliqué de force. Mais en cas de refus, il devra donner le contact de confrères susceptibles d’accepter.

La réponse doit intervenir dans un délai de quinze jours maximum. C’est le seul médecin consulté qui délivrera sa décision. En cas de réponse favorable, il faudra à nouveau deux jours de réflexion. Le médecin pourra alors prescrire une substance létale. La prescription restera valable trois mois. En cas d’avis défavorable, le malade pourra « aller voir une autre équipe médicale » ou procéder à des recours.

La substance létale sera prescrite à la personne, qu’elle pourra s’administrer elle-même. Elle pourra demander l’aide d’un tiers, l’intervention du médecin ou de l’infirmier qui l’accompagne.

L’administration de la substance pourra avoir lieu au domicile, à l’Ephad ou dans un établissement de soins.

Un médecin ou un infirmier devra inévitablement accompagner le patient pour accomplir son dernier geste.

Après ce point d’étape important, quelques réflexions

Questions
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Le texte propose des avancées, c’est indéniable. Mais nous sommes encore loin de ce que proposait le Comité consultatif d’éthique, la Convention citoyenne ou l’ADMD.

Le CCNE souhaite qu’on renforce l’expression anticipée de la personne concernée par la désignation de la personne de confiance et la rédaction des directives anticipées. La personne de confiance et les directives anticipées ne sont pas prises en compte dans cette proposition de texte.

La Convention citoyenne demandait à 85 % de développer l’accessibilité et la consultation de la personne de confiance et des directives anticipées. La personne de confiance et les directives anticipées ne sont pas prises en compte dans cette proposition de texte.

La même Convention citoyenne demandait à 82 % le respect du choix du patient même si celui-ci va à l’encontre de l’avis du médecin. Dans le texte proposé, c’est le médecin qui décide.

Quant aux propositions de l’ADMD, elles visent un public beaucoup plus large. Les délais d’instruction et de rendus de décisions sont plus courts. La demande de la personne de confiance et les directives anticipées s’imposent au médecin.

Quoi qu’il en soit, il faudra définir dans le texte définitif la notion de « moyen terme ». Dans le cas contraire, le législateur risque de créer de profondes inégalités dans le traitement des demandes.

Si on traitait l’IVG comme la fin de vie !

En matière d’IVG, une majorité de parlementaires et de citoyens se sont accordés pour renforcer le concept de « Mon corps, mon choix ».

Permettez-moi une mise en perspective. Si l’IVG était soumise à un texte aussi contraignant que celui qui sera proposé pour la fin de vie, on aurait aujourd’hui :

  • Aucune femme mineure ne peut avorter ;
  • La volonté de la femme n’est pas décisive, elle est consultative. Ce sont les médecins qui décident d’accorder ou pas l’autorisation de procéder à l’IVG ;
  • Seuls certains avortements, liés à des conditions particulières, sont autorisés.

Le slogan « Mon corps, mon choix », a illuminé la tour Eiffel le soir du vote du congrès mais il n’est appliqué qu’en matière d’IVG. Et pourtant, il pourrait être utile d’étendre son application, non !

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