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Comprendre les lois Clayes Léonetti sur la fin de vie

Cet article cherche à mieux faire comprendre les lois Clayes Léonetti de 2005 et 2016. J’y citerai les limites et les réactions face à certaines dispositions de ces textes. Les étapes récentes vers un nouveau texte concernant une loi fin de vie sont reprises dans cet autre article du site.

Le premier texte de loi qui vise à garantir l’accès aux soins palliatifs en France est la loi n° 99-477 du 9 juin 1999.

La définition des soins palliatifs figure dans l’article L1110-10 du 5 mars 2002.

La loi Alain Claeys Jean Leonetti de 2005 donne un cadre aux pratiques en matière de soins palliatifs

Plusieurs lits d'hôpitaux dans une salle
Photo de Gerd Altmann sur pixabay.com

La version initiale de la loi Claeys Leonetti du 22 avril 2005 introduit la notion d’obstination déraisonnable, à savoir quand on constate l’inutilité des soins, la disproportion ou le seul maintien artificiel de la vie.

Ce texte s’applique exclusivement aux personnes en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable.

Pour arrêter des soins, une procédure collégiale doit être respectée. Le malade si possible, la famille ou, à défaut, un des proches doivent être entendues. Si elles existent, les directives anticipées de la personne doivent être consultées. Mais elles ne s’imposent pas au corps médical.

Les directives anticipées dans la loi de 2005 doivent avoir été établies moins de trois ans avant l’état d’inconscience de la personne.

La loi Clayes Léonetti de 2016 apporte des précisions et souhaite renforcer le droit des patients

Plusieurs déambulateurs
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Dans la loi Clayes Léonetti de 2016, les directives anticipées sont davantage mises en avant. La règle des trois ans est supprimée. Le rôle de la personne de confiance est important. Le texte introduit un nouveau droit pour le patient : la possibilité de demander une sédation profonde et continue jusqu’à la mort.

Mais c’est toujours le corps médical qui décide.

Peuvent bénéficier du droit à une sédation profonde et continue :

  • Les patients atteint d’une affection grave et incurable, dont le pronostic vital est engagé à court terme et qui présente une souffrance réfractaire aux traitements ;
  • Les patients atteint d’une affection grave et incurable, qui en décidant d’arrêter un traitement, engage leur pronostic vital à court terme et cet arrêt est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable.

La Mission parlementaire d’évaluation de la loi Claeys Leonetti de 2023 montre les limites du texte de 2016

Infirmière tenant un tube à essai, flacon produits, pastilles diverses
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La mission parlementaire d’évaluation de la loi Clayes Léonetti rencontre quatre-vingt-dix acteurs de la fin de vie y compris les auteurs des deux textes au cours de trente-et-une auditions.

La mission rappelle le contenu de la loi et insiste sur « le caractère contraignant des directives anticipées, le renforcement du rôle de la personne de confiance et la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès (SPCJD). Elle réaffirme par ailleurs le refus de l’obstination déraisonnable, le droit à une fin de vie digne ou encore l’accès aux soins palliatifs pour tous. »

Cette mission rappelle qu’à la fin de 2021, la France dispose de 7 546 lits hospitaliers en soins palliatifs. Mais que 21 départements ne disposent pas d’unités de soins palliatifs. Elle remarque que la tarification à l’acte (2TA) aussi bien en médecine de ville qu’à l’hôpital peut conduire à de l’obstination déraisonnable. La mission constate que le recours à la SPCJD est très limité dans les faits. La sédation profonde et continue serait estimée à moins de 1 % selon une étude récente (Etude PREVAL-S2P). Le SPCJD suscite une forme de réticence chez les soignants qui craignent d’outrepasser le cadre de la loi Clayes Léonetti.

La mission parlementaire constate que plusieurs questions éthiques se posent. Il s’agit notamment du bon moment où enclencher cette sédation et du risque de réveils, du ressenti du patient ou encore, de la situation dans laquelle la sédation s’étend sur un temps considéré comme déraisonnable.

Elle constate que le cadre législatif actuel n’apporte pas de réponses lorsque le pronostic vital n’est pas engagé à court terme.

D’après une enquête d’octobre 2022 du Centre National des Soins Palliatifs et de la Fin de Vie, seuls 8 % des répondants ont rédigés des directives anticipées.

Jean Léonetti défend sa loi et la considère totalement adaptée

A plusieurs reprises, Jean Léonetti a défendu sa loi et conteste la nécessité de la faire évoluer.

Pour Jean Leonetti, le suicide assisté ne serait pas un acte de liberté, ce serait surtout un acte de désespoir.

Il affirme qu’une société évoluée et démocratique ne donne pas la mort aux plus faibles même à leur demande et au contraire essaye de soulager leur souffrance et de leur donner goût à la vie.

Plaquettes de médicaments en gellules
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Un courrier d’un lecteur de Ouest-France me semble une réponse appropriée aux affirmations de Jean Léonetti.

Le lecteur se demande combien de personnes qui émettent publiquement une opinion sur le choix de la fin de vie y ont été confrontées, de manière intime, personnelle.

Il affirme qu’il ne permet pas à M. Leonetti, ni à quiconque ayant des convictions… philosophiques, religieuses ou autres, de les imposer à l’ensemble de celles et ceux dont les souffrances, la terreur face à la perte progressive de leur intégrité physique ou mentale, les amène à demander une mort digne.

Nombreuses sont les questions qui restent posées dans les textes Clayes Léonetti

Homme se prenant la tête dans les mains. Désespoir ?
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On parle beaucoup des directives anticipées qui s’imposeraient au corps médical depuis le texte de loi de 2016.

Comme l’indique la Mission parlementaire d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti, seuls 8 % des Français en ont rédigés.

Après l’échec du carnet de santé pour les adultes, la disparition du Dossier médical partagé (DMP), on a généralisé « Mon espace santé ». Cependant, celui-ci est boudé par un grand nombre de Français. Les soignants ne le consultent pas et préfèrent consulter leurs propres logiciels, trop souvent incompatible avec le dispositif national.

Dès lors où déposer ces fameuses « directives anticipées » ?

Il y a des problèmes tant du côté médical que des patients sur le terme « sédation profonde et continue. » Certains interprètent comme une euthanasie et d’autres comme des soins palliatifs.

Comment ne pas s’interroger sur le fait que ces textes tentent d’apporter des réponses dans le seul cadre de malades dont le pronostic vital est engagé à court terme. Combien sont victimes d’un mal incurable, qui les diminuent chaque jour un peu plus, sans que le pronostic vital soit engagé à court terme. Et c’est bien là leur souci !

Dans le détail, on trouve des désaccords profonds qu’il faudrait retravailler. En voici un parmi beaucoup d’autres : la nutrition et l’hydratation artificielles ont été un sujet de désaccord entre les deux assemblées lors du vote du texte de 2016. Le compromis qui a été trouvé est suffisamment peu clair pour inciter le corps médical à la plus grande prudence, voire à l’inaction.

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