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Mener une recherche d’information demande efforts et ouverture d’esprit

De la croyance à la connaissance, il n’y a qu’un pas : la recherche d’informations. Mais s’informer demande des efforts et de l’ouverture d’esprit car cette information peut être difficile à trouver ou bouleverser les croyances auxquelles celui qui cherche de l’information est attaché.  Aujourd’hui, pour mener une recherche d’information, on pense en tout premier lieu à Internet. Mais le taux de clics selon la position d’un site dans le moteur de recherche montre à quel point la qualité de l’information recueillie dépend presque exclusivement des choix de Google.

En effet, une étude récente de Backlinko confirme que le résultat n°1 dans les résultats de recherche naturels de Google est 10 fois plus susceptible de recevoir un clic par rapport à un résultat en position n°10.  C’est donc Google et lui seul qui détermine la qualité des résultats, à tort ou à raison. Quant à ce qui s’affiche sur la deuxième page de Google, les référenceurs web aiment dire que « c’est le meilleur endroit pour y cacher un cadavre ». C’est dire à quel point cette deuxième page et les suivantes sont peu fréquentées.

Enfin et comme je vous l’indiquais déjà dans cet article, deux recherches sur trois s’effectueraient sans aucun clic. Ce qui signifie que soit la réponse n’a pas été trouvée soit les quelques lignes inscrites sous le titre de l’article ont suffi aux personnes pour s’informer. Et je ne parlerai pas ici de la recherche avancée dont une majorité écrasante d’internautes ignore l’existence. Celle-ci permet pourtant d’affiner sa recherche, d’éliminer des informations trop anciennes, etc.

Mener une rechercher d’information dans des livres, dans des revues, sur des sites Internet spécialisés demande un certain niveau d’expertise et n’est, à l’évidence pas, une pratique habituelle.

Les évidences sont trompeuses

Un inspecteur avec une loupe cherche de l'information
Illustration de L’équipe GraphicMama sur pixabay.com

Pour savoir qu’on est incompétent sur une question, il faut avoir un minimum de connaissances pour être en mesure de quantifier la difficulté de répondre à la question.

Mener une recherche d’information demande des efforts. Le besoin de s’informer n’est pas comparable à celui qu’on ressent quand on a faim ou soif. Le besoin de s’informer n’est pas forcément conscient. Il faut de l’incertitude pour ressentir le besoin de s’informer. Si je crois savoir, alors je ne ressentirais pas le besoin d’information.

Mais ce n’est pas tout. Pour qu’un individu mène une recherche d’information, il faut qu’il pense que celle-ci est disponible.

Pour mener à bien une recherche d’information, il faudra qu’il maîtrise les outils qui sont à sa disposition. Tout au long de sa recherche, il devra s’obliger à comprendre, trier, confronter les idées et surtout vérifier la fiabilité de ses sources.

Pour qu’il démarre sa recherche, il faudra qu’il imagine que celle-ci ne sera pas trop complexe à réaliser à son niveau, qu’il dispose du temps suffisant pour la faire.

La pertinence des termes à rechercher est essentielle. Il devra prêter attention à l’information exacte lors de sa publication mais devenue fausse avec le temps. Il devra faire attention à tous les éléments qui composent l’information. Si la source consultée s’appuie sur quelque chose de totalement faux, elle sera vite repérée. Mais si la source s’appuie sur une demi-vérité, celle-ci peut induire en erreur le chercheur d’information.

S’informer demande de l’ouverture d’esprit. Il y a en effet un risque de rejet de l’information trouvée si celle-ci heurte ce que le chercheur d’information croyait être la vérité, si celle-ci est en contradiction avec le discours de son entourage, si celle-ci met en cause une décision que le chercheur d’information voulait prendre.

Inconsciemment celui qui cherche une information veut conforter ce en quoi il croit. Sa déception peut l’amener à rejeter ou à minorer la réponse qu’il aura trouvé.

C’est pourquoi tant de personnes acceptent ce qu’on leur dit si c’est ce à quoi ils veulent croire et se dispense de vérification. De plus évaluer la source c’est aussi chercher si celle-ci a intérêt à dissimuler la réalité. Voyons quelques exemples.

Le lobbying du tabac

Piles de cigarettes
Photo de Klimkin sur pixabay.com

A partir des années 50, puis dans les années 70, on fume partout. C’est classe la cigarette ! Et comme l’indique cet article et une des vidéos qu’il contient, même des enfants de cinq ans s’y mettent !

En 1954 les industriels se réunissent au niveau mondial et décident de créer un pôle de recherche scientifique. On utilise des méthodes scientifiques pour effectuer des recherches de diversion. Le but est de démontrer que les cancers viennent de diverses raisons. Du coup, le tabac n’est qu’un facteur parmi beaucoup d’autres et son effet néfaste n’est pas essentiel.

Fabriquer du doute, c’est plutôt bien car c’est la caractéristique même de la science que de douter. Mais ici il ne s’agit pas d’évaluer pour trouver des réponses mais de multiplier les doutes pour invalider les démarches scientifiques. Il s’agit en fabriquant de la confusion de fabriquer de l’ignorance.

Certains médecins lancent cependant de plus en plus d’alertes contre le tabac dans les années 70. Les politiques commencent à mettre quelques gardes fous mais avec prudence, électorat oblige.

En 1998, six millions de documents secrets, représentant plus de 35 millions de pages, sont rendus publics, mettant ainsi à jour tout ce que neuf compagnies de tabac savaient sur la dangerosité de leurs produits, quand elles l’ont su et tout ce qu’elles ont fait pour le dissimuler.

Le scandale de l’amiante

Morceau plaque d'amiante
Photo de Rue89 Strasbourg sur Flickr.com

Magnifique fait d’arme de l’industrie de l’amiante que l’appel d’Heidelberg. Des centaines de scientifiques prestigieux et 72 récipiendaires du prix Nobel vont le signer.

Le 1er juin 1992, l’appel est diffusé la veille de l’ouverture du Sommet de la Terre à Rio. Le texte s’inquiète « d’assister, à l’aube du XXIème siècle, à l’émergence d’une idéologie irrationnelle qui s’oppose au progrès scientifique et industriel et nuit au développement économique et social. » Et un peu plus loin met en garde « les autorités responsables du destin de notre planète contre toute décision qui s’appuierait sur des arguments pseudo-scientifiques ou des données fausses ou inappropriées. »

C’est ainsi que naît le concept de pseudo-sciences. Le lobbying des industriels de l’amiante pourra ainsi retarder jusqu’en 1997 l’interdiction de la fibre cancérigène.

La brigade des empoisonnés volontaires

Une table avec différents plats préparés
Photo de Stef54 sur pixabay.com

Le documentaire de John Maggio, réalisé en 2019, présente l’action de Harvey W. Wiley.

Durant la seconde moitié du XIXe siècle, les Américains achètent des produits bourrés d’additifs dangereux, parfois de produits chimiques mortels : des petits pois avec du sulfate de cuivre, du beurre avec des déchets de viande avariée, du vin avec du bitume…Mais on laisse libre court aux industriels.

En 1902, pour prouver la toxicité des additifs, le haut fonctionnaire recrute une douzaine de jeunes hommes en bonne santé. Ils doivent manger trois repas par jour avec des produits plus ou moins viciés par les additifs et faire une batterie d’examens. Les résultats sont très inquiétants.

Grâce à son travail mais 8 ans après sa mort, en 1938, les premières lois de sécurité alimentaire finiront par être votées aux Etats-Unis.

La science de plus en plus attaquée et parfois confuse

Un chercheur regarde au travers d'un microscope
Photo de luvqs sur pixabay.com

Les citoyens accusent l’industrie de cacher la vérité. On demande donc à la science d’arbitrer. Mais en endossant ce rôle, la science devient une cible à influencer.

Le biais c’est l’argent, bien sûr. Si mener une recherche ne peut générer des budgets ou ne peut permettre de déposer des brevets, elle est abandonnée. Ainsi Il devient plus facile d’orienter la recherche vers des sujets qui ne dérangent personne.

Des stratégies de décrédibilisation de la science ou d’institutions scientifiques, par des acteurs individuels ou collectifs, qu’il s’agisse d’États, de fondations ou de groupes de pression se mettent en place. Les réseaux sociaux permettent à de faux comptes, de faux experts de faire du lobbying et d’insuffler de fausses informations. Je ne traiterais pas ici des fake news et des deepfakes. Christophe Deschamps les a analysé avec précision.. Le lien permettant de télécharger son article (format pdf) est ici.

Bonne nouvelle cependant, Google annonce qu’il va certifier les comptes de médecins et autres soignants sur sa plateforme Youtube. Cela passera par une vérification des diplômes. Cela n’empêchera pas la cacophonie à laquelle nous avons assisté durant la pandémie. Mais c’est déjà un progrès.

Dans le domaine politique, la désinformation fait rage

Un ordinateur produit un schéma pour articuler les informations disponibles
Illustration de Gerd Altmann sur pixabay.com

La disponibilité de l’information en temps réel soumet le citoyen à un flux d’information continu qui rend difficile son contrôle. La plupart du temps, nous ne nous posons pas de questions. Par défaut, nous faisons confiance au média que nous consultons. Si la forme est agréable, si le texte n’est pas couvert de fautes d’orthographe et si ce qui est écrit ne remet pas en cause notre échelle de valeur, nous validons.

D’après un sondage Viavoice pour les Assises internationales du journalisme de Tours publié cette année, 32 % des personnes interrogées déclarent qu’elles ont perdu le goût de s’informer. En cause : une information considérée comme trop anxiogène (74%), un journalisme qui se répète (73%) et un manque de confiance dans les journalistes (49%).

S’il est vrai que certains médias manipulent leur public, il est heureux cependant qu’ils nous restent encore du journalisme d’investigation et des lanceurs d’alerte.

Car comment aurions-nous pu, sans eux, découvrir les errements de M. Dominique Strauss Kahn, de M. François Fillon ou de M. Carlos Ghosn et de combien d’autres ? Ces trois-là ont été dans un premier temps présentés comme des victimes d’obscures machinations.

Une méthodologie pour mener une recherche d’information efficace

Un homme s'interroge pour savoir quelle information chercher
Illustration de Gerd Altmann sur pixabay.com

Cette méthodologie, je l’empreinte à Forest Woody Horton Jr, expert international en gestion de l’information. Ce dernier voit onze étapes dans ce qu’il appelle « le cycle d’acquisition de la maîtrise de l’information ». Le document intégral de 112 pages est disponible ici.

  1. Prendre conscience de l’existence d’un besoin ou d’un problème dont la solution nécessite de l’information.
  2. Savoir identifier et définir avec précision l’information nécessaire pour satisfaire le besoin ou résoudre le problème (termes à rechercher).
  3. Savoir déterminer si l’information nécessaire existe ou non et dans la négative passer à l’étape 5.
  4. Savoir trouver l’information nécessaire quand on sait qu’elle existe puis passer à l’étape 6.
  5. Savoir créer ou encourager la création de nouvelles connaissances si elles ne sont pas disponibles.
  6. Savoir bien comprendre l’information trouvée ou à qui faire appel pour cela.
  7. Savoir organiser, analyser, interpréter et évaluer l’information, y compris la fiabilité des sources.
  8. Savoir communiquer et présenter l’information à autrui sur des supports appropriés.
  9. Savoir utiliser l’information pour résoudre un problème, prendre une décision ou satisfaire un besoin.
  10. Savoir préserver, stocker, réutiliser, enregistrer et archiver l’information pour une utilisation future.
  11. Savoir se défaire de l’information qui n’est plus nécessaire et préserver celle qui doit être protégée.

Mais qui fait cela ? Sommes-nous condamnés à l’ignorance alors que nous croyons tout savoir et tout maîtriser !

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