Arrêter la flagellation permanente semble impossible. Tout est objet de condamnations, de remises en cause. Le moindre fait est surinterprété et souvent analysé sans la moindre bienveillance. Nous sommes TOUS coupables par le simple fait d’appartenir à une race, d’avoir une couleur de peau, d’appartenir à une génération, d’avoir une opinion…
Vous êtes un homme ? vous devriez avoir honte ! Car, à n’en pas douter, vous êtes un violeur ou à minima un harceleur sexuel. Vous occupez sans doute un poste que vous n’auriez pas si vous étiez une femme. Savez-vous que pendant des années les femmes n’ont pas eu accès…
Vous êtes blanc, cachez-vous. Avez-vous conscience de ce que votre « race » a fait lors de la colonisation ? Evidemment vous ne pouvez être autre chose qu’un sale raciste.
Vous êtes hétérosexuel ? Vous êtes donc homophobe ou transphobe. Bien sûr dans votre situation, vous ne pouvez pas accepter …
Vous pensez peut-être que vous n’êtes pas coupable de ces jugements permanents. Un adepte « modéré » du révisionnisme ambiant et de la condamnation permanente vous dira que les classes opprimantes oppriment mais sans s’en rendre compte.
Fin de la discussion ! En cherchant bien, on trouvera dans votre passé un propos ou une attitude qui vous fera passer pour un oppresseur inconscient.
Au sommaire de l'article
- Je ne nie pas le passé mais je plaide non coupable
- Le jugement critique ne justifie pas le dénigrement systématique du passé
- Déboulonner le passé ne permet pas la réflexion sur le présent
- L’humour est-il encore possible ou sommes-nous condamnés à la flagellation permanente et à la censure ?
- Allons-nous vers une dictature de la pensée par ceux qu’on qualifie de minorités ?
- La peur de l’avenir amène-t-elle à blâmer les autres et à refuser, par tous les moyens, la réalité !
Je ne nie pas le passé mais je plaide non coupable
Comprenons-nous bien. Il ne s’agit pas de nier le racisme, le sexisme, l’homophobie, les violences faites aux femmes, les pratiques incestueuses et malheureusement etc. Là n’est pas la question.
Il faut condamner les comportements individuels, analyser pourquoi ils apparaissent mais ne pas s’enfermer dans le communautarisme et arrêter de généraliser.
Je crois respecter les individus pour ce qu’ils sont et si je me trompe, je m’en excuse auprès d’eux. Mais n’espérez pas me punir au sujet de « crimes » que je n’aie pas commis. Il faut refuser de s’autoflageller pour des actes dont on vous dirait responsable à cause de votre statut, de votre race, de votre sexe, de vos croyances et souvent de faits ayant eu lieu avant votre naissance.
Pouvons-nous arrêter la flagellation permanente ? Et si on remplaçait la repentance par l’analyse sereine du passé ?
On crée des communautés de plus en plus souvent par le biais des réseaux sociaux et on se rassure en condamnant les autres. Et ces communautés fermées n’acceptent aucun contradicteur !
Le jugement critique ne justifie pas le dénigrement systématique du passé
Vous avez peut-être entendu parler de « Cancel culture », un terme né aux Etats Unis. En France, on parle couramment de culture de l’effacement. La Commission d’enrichissement de la langue Française en donne la définition suivante :
« Pratique de personnes ou de groupes de personnes qui s’efforcent, au nom de certaines valeurs, de bannir de l’espace public ou de la mémoire collective tant des personnalités que des œuvres, historiques ou contemporaines. ».
Ce mouvement n’a rien de récent. Petit à petit, dans nos communes françaises, certains noms ont disparu. C’est le cas de la dernière rue du Maréchal Pétain dans la commune de Dernoncourt dont le Maire en 2005 défendait l’existence. En décembre 2010, la rue est devenue la rue de Belgique.
Il existe encore une rue Staline à Essômes-sur-Marne, et cinq rues Lénine dont quatre en Ile-de-France.
Mais pourquoi a-t-on choisi d’effacer notre histoire plutôt que d’expliquer qui était Pétain à la fois vainqueur de la bataille de Verdun et Chef du sinistre régime de Vichy ?
Faut-il étriller les Allemands d’aujourd’hui sous prétexte qu’une grande partie de leurs ancêtres étaient favorables aux nazis lors de la seconde guerre mondiale ?
Faudra-t-il maltraiter la prochaine génération de russes car leurs parents ou grands-parents auront cautionné la dictature communiste sanguinaire de l’URSS et aujourd’hui la guerre en Ukraine ?
Déboulonner le passé ne permet pas la réflexion sur le présent
En France, le déboulonnage des statues fait débat : Napoléon à Rouen, Colbert devant l’Assemblée nationale, Jules Ferry.
Pour certaines, c’est chose faite. Celle de Victor Schœlcher à Cayenne a été déboulonnée et deux en Martinique ont été détruites.
Dans le cas de Victor Schœlcher, c’est assez incroyable. Malgré son action contre l’esclavage, on lui a reproché d’être blanc métropolitain. Une destruction totalement raciste !
Faut-il généraliser la repentance ou simplement regarder la réalité et expliquer la double facette des grands personnages.
Lorsque j’étais jeune, la société m’expliquait en quoi les noirs étaient une race inférieure et pourquoi l’homosexualité était une maladie. Mais oui la société s’interroge et change et c’est souvent en bien. Si durant mon enfance, les femmes étaient présentées comme de parfaites épouses auxquelles on offrait un appareil électroménager pour leur anniversaire, avec le temps et grâce à leurs luttes, les mentalités ont changé. Tout n’est pas réglé mais les choses vont dans le bon sens. Si les femmes ont pu améliorer leur reconnaissance, c’est aussi parce que certains hommes les y ont aidé. Qui a voté les règles exigeant un quota de femmes au début parmi nos élus, si ce n’est des hommes ? Merci à ces pionniers de l’avoir fait.
Flagellation encore ! En 2019, Radio Canada annonce qu’une grande épuration littéraire a eu lieu dans les bibliothèques du Conseil scolaire catholique Providence.
Près de 5000 livres jeunesse parlant des Autochtones ont été détruits dans un but de « réconciliation avec les Premières Nations. »
On a brulé des albums de Tintin (L’Oreille cassée, Tintin et les Picaros), huit BD de Lucky Luke et le roman du film Avatar. Peut-être aurait-on pu réfléchir pour que chacun comprenne une époque passée dans un autre contexte que celui d’aujourd’hui. Ou alors voulons-nous simplement faire disparaître la culture. Voulons-nous créer la société décrite par Georges Orwell.
L’humour est-il encore possible ou sommes-nous condamnés à la flagellation permanente et à la censure ?
En 1971, Jean Yanne répondait à cette question en disant déjà que tout est tabou.
Certains ne s’amusent pas de leurs erreurs du passé. C’est le cas de Justin Trudeau, suite à la publication par l’opposition de vidéos et de photos où on le voit, grimé en noir. On peut appeler cela une ânerie de jeunesse, une stupidité sans conséquence. Mais l’actuel premier ministre comprend le danger de cette révélation, se livre à une autoflagellation. Est-ce son acte de contrition qui a permis de sauver sa réélection ?
On en arrive à des paradoxes : Un homme est gros, une femme est ronde !
De plus en plus on confond humour et opinion. On accepte de moins en moins le deuxième degré. Qui va définir de quoi on peut rire ? N’oublions pas les caricatures de Charlie hebdo, de sinistre mémoire !
Allons-nous vers une dictature de la pensée par ceux qu’on qualifie de minorités ?
Nous avons parlé de culture de l’effacement. Mais cela va encore plus loin si on parle du mouvement woke ou wokisme. Les définitions de ce terme sont très variables selon que l’on est sympathisant ou au contraire adversaire de ces « philosophies ».
Le concept vient des Etats Unis et le terme vient de « Stay awake » qui signifie « Restez éveillé ». Rester conscient des failles de notre société et être critique quand c’est nécessaire est plutôt une bonne idée.
Mais aux Etats Unis, où l’appartenance raciale fait partie de l’identité d’un individu, le wokisme va plus loin et ce mouvement commencerait à s’implanter, surtout dans les milieux intellectuels de gauche en Europe.
Dans certains cas l’extrémisme est à son comble. Voici quelques exemples glanés çà et là et sans ordre de préférence :
- Le terme « Indien » ne devrait plus être prononcé car c’est un terme qui a été imposé par l’homme blanc.
- Le concept d’universalisme serait profondément raciste.
- La rationalité est raciste.
- Si vous êtes un homme blanc, vous pouvez exiger d’être considéré comme une femme noire. Si on vous refuse ce droit, il est normal que vous vous sentiez agressée, humiliée.
- Avatar 2 serait un film raciste préconisant la supériorité des blancs.
- Si vous considérez qu’un transsexuel ne devrait pas participer à une compétition sportive réservée aux femmes en raison d’un avantage biologique, vous êtes transphobe.
- Si vous n’êtes pas une femme, vous n’êtes pas légitime pour parler des violences qu’elles subissent.
La peur de l’avenir amène-t-elle à blâmer les autres et à refuser, par tous les moyens, la réalité !
Et si cette façon de malmener les autres était simplement un moyen pour refuser ses propres responsabilités. La dérive climatique en est peut-être un bon exemple.
Les causes du climat sont clairement identifiées. Une enquête a été produite récemment par l’Observatoire International Climat et Opinion Publiques, enquête réalisée auprès de 30 pays.
On compte 37 % de climatosceptiques dont 29 % considèrent qu’il y a un changement climatique certes mais pas d’origine humaine. Ce chiffre augmente depuis quatre ans. Une partie de la population rejette la responsabilité humaine sur les institutions, les gouvernants…
On a parlé souvent du malaise des jeunes. Eh bien, dans cette étude, ce sont les 16-24 ans qui doutent le plus de la responsabilité humaine dans les dérèglements du climat.
D’après le CNRS, les climatosceptiques, de plus en plus violents, représentent près d’un tiers des comptes Twitter abordant les questions climatiques.
Nous assistons de plus en plus à une opération de déconstruction où certains réécrivent le passé, nous condamnent à la flagellation. Cela cache-t-il une peur de se projeter dans l’avenir ?