Et si au lieu de démocraties basées sur l’applaudimètre, on mettait en place un système de démocratie active pour mieux construire ensemble !
J’aurai l’occasion de définir plus loin ce qui se cache derrière le terme de « démocratie active ». Je pense que ce serait un bon moyen de faire passer définitivement les violences du camp de la soi-disant légitimité à celui de la délinquance. Mais d’abord commençons par quelques généralités sur le monde politique.
Dans ma carrière professionnelle et dans le cadre de mes engagements personnels, j’ai rencontré des élus passionnés, attentifs et volontaires et… de parfaits salopards.
L’homme ou la femme politique n’est pas un homme ou une femme providence. C’est peut-être pour cela que certains citoyens sont déçus et ne croient plus à la démocratie. Ils croyaient avoir élu un faiseur de miracle. Ils découvrent un homme ou une femme ordinaire, empêchés par une multitude de contraintes et limités par les faibles crédits et le peu de pouvoir dont il dispose. L’homme ou la femme politique sait que l’électeur a une mémoire de poisson rouge. Il ou elle n’a pas grand-chose à attendre de la reconnaissance de ses électeurs pour le temps considérable qu’il consacre à sa fonction.
Au sommaire de l'article
- Quelques citations pour un peu d’humour
- La démocratie, parfois, mieux vaut en rire
- Représentant de la démocratie, c’est un métier difficile
- Peu de reconnaissance à attendre de la part des électeurs
- La violence est partout
- Qui sont les auteurs des récentes violences urbaines ?
- Où sont les vrais responsables ?
- Des instances démocratiques, de plus en plus minées par la violence
- Désordres psychologiques et angoisses du lendemain
- Vers une démocratie active et bienveillante
- Privilégions davantage les conventions citoyennes et la démocratie active
Quelques citations pour un peu d’humour
« Un bon politicien est celui qui est capable de prédire l’avenir et qui, par la suite, est également capable d’expliquer pourquoi les choses ne se sont pas passées comme il l’avait prédit. »
« En Angleterre, tout est permis, sauf ce qui est interdit. En Allemagne, tout est interdit, sauf ce qui est permis. En France, tout est permis, même ce qui est interdit. En URSS, tout est interdit, même ce qui est permis. »
« C’est une habitude bien française que de confier un mandat aux gens et de leur contester le droit d’en user. »
« Parler vrai n’est pas suffisant. Encore faut-il avoir quelque chose à dire. »
« Le plus dur pour les hommes politiques, c’est d’avoir la mémoire qu’il faut pour se souvenir de ce qu’il ne faut pas dire. »
La démocratie, parfois, mieux vaut en rire
Au début des années 80, Jacques Guyard est Président du Syndicat Communautaire d’aménagement de la ville nouvelle où j’habite. Evry au départ c’est un village et donc il faut faire des investissements massifs pour en faire une « ville nouvelle », en accord avec les trois autres villages qui la composent.
Tout est à construire : les écoles, les routes, de nombreux équipements. Le Président énonce une liste de dépenses sans fin. Les montants engagés sont vertigineux.
Dans cette interminable liste, figure une somme modeste pour la mise en place d’un grillage autour d‘un bâtiment public. Un élu demande la parole. Il conteste le montant des travaux. Il le sait bien : il vient de refaire celui de sa maison. Bruissement dans la salle. Jacques Guyard esquisse un sourire et continue son énumération. Et oui, certains élus tentent de se faire remarquer et feraient mieux de s’abstenir. Certains l’apprendront avec le temps, d’autres jamais.
Dans une autre ville du département, un maire communiste occupe le siège de premier magistrat. Etonnant, si l’on considère le fait que la commune est majoritairement socialiste. Oui mais le maire en place est beau et ce n’est pas la qualité principale de son opposant socialiste. Le parti socialiste finira par proposer un candidat au profil plus avantageux qui l’emportera sans difficulté à l’élection suivante. Incroyable, non !
Représentant de la démocratie, c’est un métier difficile
Une fois élu, on vous reprochera de ne pas avoir anticipé les choses ou de ne pas trouver la solution miracle à un problème soudain. Quelle magnifique illustration que nous donne Edouard Philippe en août 2018. Il imagine alors qu’on pourrait lui reprocher d’ici 5 ans « de ne pas avoir augmenter les efforts dans la recherche médicale parce qu’i y aura un virus qu’on n’a pas vu venir. » Il imagine de même le reproche de ne pas avoir augmenter les crédits militaires alors que la Russie aurait envahi la Pologne. Cela prouve, s’il était nécessaire, que les élus ont conscience des problèmes mais ne peuvent pas tout anticiper.
Un jour, je dois accompagner le même Jacques Guyard, entre temps devenu maire et député. Quand je rentre dans son bureau, je constate qu’il est assis devant une montagne de parafeurs, disposés sur une immense table. Pendant qu’il me parle, un des parafeurs tombe au sol. Je vais pour le ramasser, il m’indique que cela prouve que ce n’est pas le bon jour pour signer tous ces parafeurs et nous quittons son bureau.
Combien de temps un maire perd-t-il à signer des documents ? Quel électeur sait à quel point un élu, c’est d’abord beaucoup de paperasse et de corvées administratives. Dans les mairies, le maire est seul responsable et donc il signe à longueur de temps tout et souvent n’importe quoi. Bien sûr il peut déléguer sa signature mais il reste l’unique responsable de tout ce qui est signé.
Certains contournent la corvée des signatures en faisant réaliser un fac-similé de leur signature mais il est absolument nécessaire pour l’élu d’encadrer étroitement cette pratique risquée.
Peu de reconnaissance à attendre de la part des électeurs
Il y a quelques années, j’ai rencontré un maire d’une petite commune rurale au Conseil économique et social. Ce maire nous expliquait que de nouveaux habitants s’empressaient de le féliciter pour l’authenticité de son village, loin de l’image des grandes villes.
Un an plus tard, les mêmes se plaignaient du fait qu’il n’y avait pas d’école dans la commune et aux élections suivantes montaient une liste pour se présenter contre lui. Et là, on voit les limites d’une démocratie participative. Il faut une démocratie active qui associe la population aux décisions. Cela permettrait de comprendre les limites de la critique systématique. Il faut développer des outils de participation citoyenne.
Bernard Bragard, auteur du livre « Maire à tout faire » était un maire sincère et courageux qui m’avait dédicacé son livre en écrivant « qu’il y a partout des gens qui croient à quelque chose et qui y consacre parfois plus que le devoir » Je n’en doutais pas. Il fut battu à l’élection suivante et en sortit totalement démoli psychologiquement. Et oui, les politiques ont aussi des sentiments !
Sur France TV, le 9 mai 2021, Robert Badinter est le principal invité. Il parle de Giscard d’Estaing, qui quitte l’Elysée en 1981 lors du passage de témoin avec François Mitterrand. Robert Badinter dit qu’il a trouvé odieux « le fait que le Président sortant se fasse huer par la foule. Giscard d’Estaing avait fait des réformes importantes, c’était le Président sortant, il y avait continuité de la République. »
La violence est partout
Chaque contestation est aujourd’hui accompagnée de violence. Que ce soit dans la rue (les dernières violences urbaines), sur les réseaux sociaux, dans le monde politique. On ne se respecte plus. Les jeunes légitiment la violence. Il n’y a pas que la violence physique, il y a aussi la violence des mots.
Nous sommes dans des sociétés qui parlent beaucoup dans l’instantané mais où la réflexion approfondie est souvent absente. L’époque est clairement admirative des beaux parleurs.
Lorsque sur une chaîne d’information, j’entends une commerçante qui annonce mettre sa climatisation à 19 ° dans sa boutique et laisser la porte ouverte pour encourager les clients à entrer. J’appelle cela de la violence. Lorsque Izïa Higelin propose à son public le lynchage d’Emmanuel Macron en n’oubliant pas de le frapper avec « d’énormes battes avec des clous au bout », je suis atterré d’une telle stupidité. Mais elle convainc une partie de la population, n’en doutons pas.
Qui sont les auteurs des récentes violences urbaines ?
Tout commence le 27 juillet au soir. Nous avons eu les gilets jaunes, plus récemment les violences qui ont accompagnées les manifestations contre la réforme des retraites et aujourd’hui la mort de Nahel Merzouk. La question ne porte pas sur la légitimité des revendications des manifestants mais sur la façon de les exprimer. Dans le cas de la mort de Nahel, ceux qui ont pillé, détruit, incendié ont trouvé en lui, un simple alibi.
Parmi ces jeunes délinquants, prêt à profiter de tout désordre pour piller des magasins, il y a eu aussi des jeunes « ordinaires ». Certains des juges, qui ont eu affaire aux jeunes auteurs de violences urbaines, parlent de jeunes en état d’euphorie. Le président du tribunal de Bobigny rappelle : « Il y avait des enfants très jeunes de 13 ans » dans les salles d’audience.
Certains de ces jeunes ou moins jeunes ne trouvent pas de lieu de concertation. Le débat citoyen est peu développé. La démocratie participative est davantage un concept qu’une réalité. Si on ne favorise pas le débat citoyen, on favorise la violence et la colère.
Mais la haine n’est pas seulement présente dans la rue. Chaque violence fait l’objet d’une observation spécifique mais il s’agit en fait d’un phénomène généralisé : violences faites aux femmes, violences contre les LGBT+, violences contre les élus, antisémitisme, racisme, harcèlement scolaire, violence de parents contre des enseignants, harcèlement sexuel…
On se plaint sans cesse du non-respect des règles. Mais celles-ci sont de plus en plus nombreuses et peuvent un tantinet agacer. Sur ce lien, vous trouverez 12 panneaux de signalisation qui concernent les vélos. Vous les connaissiez tous ? Peut-être êtes-vous même un jour entré en conflit avec un cycliste qui était dans son plein droit. Espérons simplement que vous l’ayez fait calmement.
Où sont les vrais responsables ?
Mais oui, c’est vrai ! Où sont les responsables car il en faut bien pour dégager la responsabilité de nous autres, excellents citoyens.
La principale explication qui revient en boucle c’est la responsabilité des réseaux sociaux. Quand comprendra-t-on que les réseaux sociaux ne sont que des chambres d’écho mais que le malaise est partout. Car en fait, ce sont implicitement aux réseaux sociaux qu’on laisse la responsabilité de comprendre, d’expliquer. Bien sûr, il s’agit le plus souvent d’explications simplistes mais tous les internautes ne sont pas capables de repérer les manipulations dont ils sont l’objet.
Pour ceux qui œuvrent de façon inlassable pour des solutions simplistes, j’ai une mauvaise nouvelle. Même si on décidait de rendre inaccessible les réseaux sociaux, on ne réglerait pas la question de la violence. Certes ces réseaux pourraient aller plus loin dans la modération des contenus mais je craints que le nombre de contenus malsains continuent de progresser. Et puis rappelons que les réseaux sociaux ne sont pas seulement des outils négatifs. Et puisque certains envisagent la fermeture des réseaux sociaux, profitons-en aussi pour interdire les médias, toujours disposer à jeter de l’huile sur le feu. Evidemment cela ne peut être envisager sérieusement. Quoique !
La deuxième explication pointe sur les parents. Je dois reconnaître que je rencontre des « parents » qui confondent le plaisir amoureux avec la responsabilité d’avoir des enfants. Combien de fois je rencontre un enfant qui hurle à la mort dans un magasin pour faire entendre à l’adulte que ce serait bien qu’il lâche son smartphone quelques instants pour s’occuper de lui. Il y a les « parents » qui répondent à leurs SMS ou qui engagent de « passionnantes » conversations téléphoniques avec des interlocuteurs, apparemment mal entendants, puisqu’ils se croient obligés d’hurler afin que l’intégralité du magasin puisse en profiter. J’appartiens à une autre génération. Quand je reçois un appel, soit je ne réponds pas, soit je réponds, si cela peut être urgent, mais en écourtant au maximum. Bien évidemment, ceux qui téléphonent sont trop occupés pour dire merci, pardon…
Des instances démocratiques, de plus en plus minées par la violence
Comment ces mêmes élus peuvent condamner la violence alors que dans leurs rangs et aux yeux du public, ils font preuve de haine face à leurs opposants ? S’ils sont la démocratie, quelle piteuse image en donnent-ils !
L’idée de construire ensemble un projet cohérent n’est pas leur préoccupation principale.
Désordres psychologiques et angoisses du lendemain
La société joue de plus en plus avec la santé mentale des individus. On propose dernièrement de parler avec des morts grâce à une intelligence artificielle. Imagine-t-on bien à quel point cette technique pourrait être déstabilisante pour des personnes fragiles ? Il y a aussi toutes ces fake news où on est capable de truquer une vidéo en faisant dire des phrases qui n’ont jamais été prononcées.
Une étude nous rappelle que si les parents sont addicts au smartphone, ils ont toutes les chances d’avoir des enfants aussi addicts qu’eux. « La dépendance à Internet augmentait chez les adolescents qui n’entretenaient pas de relations chaleureuses avec leurs parents. En revanche, la cohésion familiale et les faibles niveaux de conflit étaient liés à de faibles scores de dépendance à Internet chez les enfants. »
Il est essentiel de rétablir le dialogue citoyen mais aussi le dialogue intergénérationnel pour freiner les angoisses. La différence essentielle entre ma génération et celles d’aujourd’hui est frappante. Elle est contenue dans un mot : l’espoir. J’ai le sentiment que nous voulions construire ensemble la société de demain.
Mon père était un ouvrier, ma mère était femme au foyer. A la maison, on ne roulait pas sur l’or mais je n’ai jamais douté. J’avais l’espoir comme mode de vie.
Mais la jeunesse d’aujourd’hui peine à se projeter dans le futur. Ils se complaisent dans la consommation immédiate, peut-être par crainte que demain soit pire. Reconnaissons que la guerre en Ukraine, la dérive climatique, les violences puissent rendre pessimiste. Mais il faut en parler, trouver ensemble des solutions.
Nous avons urgemment besoin d’une psychanalyse collective pour calmer et relativiser nos peurs. Nous avons désespérément besoin d’une démocratie active;
Vers une démocratie active et bienveillante
Les politiques, les éditorialistes et les influenceurs de toutes sortes n’hésitent pas à travestir la réalité. Et si systématiquement dans un débat, des vérificateurs intervenaient pour contester une information manifestement biaisée. Si ce n’est pas possible en temps réel, pourquoi ne pas imaginer un debrief « fake news » juste après le débat ?
Nous avons besoin d’une information qui décrypte et qui relativise quand le doute est permis. Mais il y a surtout la question de l’acceptabilité. Un exemple : la population dit être très sensible aux questions d’environnement. Mais dans le même temps, la vente de SUV représente aujourd’hui près de 40 % des ventes de voitures neuves. Alors, la Ville de Paris veut faire évoluer la tarification du stationnement payant pour la rendre progressive en fonction du poids et de la taille des véhicules. Une votation citoyenne a été organisée le 4 février 2024 avec un taux de participation de 5.68 %. Les parisiens sont-ils intéressés par les questions qu’on leur pose ? On peut en douter !
Je ne crois pas à ces sondages simplistes hébergés par change.org qui recueillent des milliers de signatures sans qu’une véritable réflexion ait lieu avec l’apport de spécialistes.
Il faut « faire société ». Il est indispensable de définir une ligne directrice pour notre société et non pas d’accumuler des réformes dont le citoyen ne comprend pas la cohérence et la logique.
Privilégions davantage les conventions citoyennes et la démocratie active
Il faut davantage recourir aux conventions citoyennes. Elles sont une vraie forme de démocratie active et participative. Un tirage au sort tient compte de quotas pour être représentatif. Mais le plus important, c’est qu’elles combinent une formation préalable et un positionnement collectif.
Il faut donner plus de visibilité aux conclusions de ces conventions citoyennes. Et il faut qu’elles soient menées partout où elles peuvent être utiles. J’imagine que les discussions au cœur de la convention citoyenne sur la fin de vie ont été difficiles. Mais ils ont construit une réponse structurée : 67 propositions ont été faites. 27 jours de débat et 76% des votants qui se prononcent en faveur de l’Aide Active à Mourir. Les conclusions seront-elles respectées ? Car il ne peut y avoir de démocratie active sans respect de de la parole des citoyens réunis dans ces conventions citoyennes.
Il va falloir convaincre les politiques de prendre en compte davantage ce type d’outil de démocratie participative. Je ne dis pas que certaines considérations peuvent les contraindre à aménager une ou deux dispositions préconisées mais elles doivent être intégrées à la loi.
Ce n’est pas le chemin qu’empreinte le Sénat. Ce dernier en effet s’est empressé de lancer un avertissement au gouvernement, quant à la question de l’Aide Active à Mourir. Ces politiques n’ont que mépris pour les conclusions de la convention citoyenne. Et une sorte de myopie alors que l’Aide Active à Mourir est déjà un fait dans d’autres pays. Cette situation me rappelle la période où les femmes enceintes devaient partir à l’étranger pour se faire avorter. Parce que se faire avorter aux yeux des bien pensants était un crime, il y a 48 ans !
La construction d’une démocratie active et bienveillante sera difficile mais elle est indispensable si l’on veut apporter un peu de sérénité et d’intelligence dans notre pays. Peut-on y croire ? On ne sait jamais !
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