La violence ordinaire a évolué au cours des années mais elle a toujours été présente. Apostropher une femme sur ses formes ou lui faire une proposition sexuelle dans la rue n’a longtemps produit que le ricanement des hommes. Et parfois même celui des femmes ! Aujourd’hui ces comportements sont qualifiés à juste titre de violences sexuelles. La fessée ou la claque était le moyen éducatif privilégié par les parents lorsque j’étais enfant. Elle était légitime. Elle est interdite depuis le 10 juillet 2019.
Dans son livre « Comment se faire des amis », Dal Carnegie cite Al Capone. Ce dernier affirmait : « J’ai passé les meilleures années de ma vie à donner du plaisir et de l’amusement aux gens, et quelle a été ma récompense ? Des insultes et la vie d’un homme traqué ! ».
L’auteur de violence nie généralement toute culpabilité. Son premier réflexe consiste à chercher des raisons pour justifier son comportement. Et l’une de ses justifications repose aujourd’hui sur le concept de liberté.
La violence a toujours existé mais elle devient de plus en plus visible
En mon temps, J’ai été victime de harcèlement scolaire, sans doute comme beaucoup d’autres jeunes adolescents de l’époque. Mais celui-ci se limitait au temps scolaire. Aujourd’hui l’usage des réseaux sociaux rend cette souffrance permanente pour les jeunes qui en sont victimes.
Quand je suis rentré, à l’âge de 19 ans, à l’éducation nationale, mes collègues m’ont immédiatement encouragé à m’assurer auprès de l’Autonome. Cette assurance défendait les enseignants lorsqu’ils étaient victimes d’agressions ou mis en cause devant des juridictions pénales. C’était en 1973 ! La situation est loin de s’être améliorée. Que penser aujourd’hui d’un enseignant frappé ou insulté par un parent d’élève qui considère que son enfant a reçu injustement une mauvaise note ?
De plus en plus des citoyens s’estiment en situation de « légitime défense » et nie la démocratie représentative. Si la société leur impose une contrainte, ils ont le droit de se « défendre ».
Certaines situations semblent surréalistes. En septembre 2019, un juge a invoqué « l’état de nécessité » et le « motif légitime » pour relaxer un homme et une femme. Ces derniers avaient retiré un portrait du Président de la République dans la mairie du 2e arrondissement de Lyon. Selon ce juge, la réalité du dérèglement climatique légitimait « d’autres formes de participation des citoyens. » Ce juge était-il victime de déraison, je l’ignore.
Deux personnes peuvent donc imposer leur façon de penser en niant la volonté des élus de la ville.
Au début de l’année 2020, en pleine pandémie, des citoyens se sont permis de demander à des soignants de quitter leur logement car ces derniers leur faisaient courir des risques.
Les médias brouillent les points de repères
Si le rôle d’éditorialistes était jadis occupé par des journalistes, on trouve de plus en plus d’autres profils, dont la compétence reste à démontrer.
Les médias et les réseaux sociaux savent que ce sont les publications les plus polémiques qui génèrent le plus de réactions. Et pendant que le média encourage les sujets conflictuels, il peut gaver le lecteur ou le téléspectateur de publicité.
Depuis quelques années et surtout depuis le début de la pandémie, une expression revient sans cesse : « Ma liberté ». Mais « ma » liberté me donne-t-elle le droit de ne respecter aucune règle, j’en doute.
Quel avenir pour cette violence « normale » ?
Je ne sais évidemment pas dans quelle proportion va évoluer cette violence ordinaire. Est-elle destinée à devenir plus coutumière ? Faut-il s’attendre à ce que les journalistes coupent davantage encore la parole à ceux qu’ils sont censés interroger ? Faut-il s’attendre à ce que nos personnalités politiques se mettent à véhiculer des fakes news pour gagner les élections. On sait ce que ce phénomène a provoqué aux Etats Unis. Doit-on s’attendre à ce que les médias français, après avoir commenté l’actualité se mettent à la transformer pour protéger leur audimat ?
Si demain un gouvernement prend des mesures coercitives pour protéger l’environnement, devons-nous nous préparer à des manifestations violentes au nom de la liberté individuelle ?