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Une guerre légitime et juste est-elle possible ?

Les conflits qui opposent l’Ukraine à la Russie, Israël au Hamas amènent à se réinterroger sur l’existence même de guerres légitimes et justes. Chacun cherche à légitimer un camp et à qualifier le combat de ce camp de guerre légitime.

Si les raisons d’une guerre peuvent être comprises, le terme juste semble lui, totalement injustifié.

On a depuis la seconde guerre mondiale intensifier les règles qui pourraient définir ce qu’est une intervention militaire légitime. Des règles édictées qui sont faciles à construire quand on est autour d’une table à discuter tranquillement.

Persuadés que la der des ders allait s’imposer, tout autant que le plus jamais çà, des autorités ont défini ce que j’appellerais des guerres courtoises et respectueuses. Une guerre respectueuse et propre et donc pas une guerre en fait !

L’homme est le seul être vivant capable d’opérer des extinctions massives contre ses semblables.

Durant la seconde guerre mondiale, les alliés bombardent des villes françaises et pas seulement en Normandie. Il n’est pas certain que les populations, voyant des membres de leur famille mourir sous leurs yeux, aient considérés que la seconde guerre mondiale était juste et légitime. Les alliés bombardent 1 570 villes, ce qui occasionne près de 70 000 morts et plus de 100 000 blessés.

Au début des derniers conflits, on banalise la guerre pour rassurer les opinions publiques. Des militaires affirment sur les chaînes d’information en continu que les choses ont changé puisqu’un droit de la guerre existe. Les généraux qui se succèdent sur les plateaux de télévision en continu sont bien obligés d’admettre aujourd’hui qu’il est plus facile d’être rassurant en temps de paix que durant un conflit. On peut sourire ou se mettre en colère quand la Cour pénale internationale (CPI) émet le 17 mars 2023, un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine.

A quoi cela sert-il ? A se donner bonne conscience !

Depuis; bien sûr, les guerres de l’information font rage pour donner un sentiment de légitimité aux autorités qui ont décidé ces conflits.

Seule une autorité légitime peut être à l’initiative d’une guerre juste

4 soldats survolés par un hélicoptère militaire
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La guerre a façonné l’identité géographique, sociale et politique de notre monde. Dès lors, la légitimité des autorités présentes sur ces nouveaux territoires peut être contestée. Bien souvent, il suffit de réécrire l’histoire pour justifier la guerre, censée réparer une injustice.

Le premier critère qui définit la guerre juste est celui de la légitimité. Une guerre doit donc être déclarée par une autorité politiquement légitime et pas par des individus ou des groupes de pensées.

Mais Vladimir Poutine peut-il être considéré comme une autorité légitime ? Il a été élu par le suffrage universel, soit. Et pourtant les soupçons de fraude lors de sa précédente élection, l’annonce des 90 % par Dmitri Peskov pour sa prochaine réélection, permet le doute. A cela vient s’ajouter l’incarcération de ses principaux opposants et tous ces malheureux accidents qui ont frappé des personnages importants en Russie.

Le Hamas peut-il être considéré comme une autorité légitime et pas seulement comme un groupe islamiste terroriste ?

Une dictature militaire est-elle un pouvoir légitime ? Le devient-elle au bout d’un certain temps d’exercice du pouvoir et l’est-elle quand elle renverse un dictateur ?

Qui définit la légitimité ? La légitimité peut-elle être réservée aux seules autorités démocratiques ou tout pays peut-il y prétendre ?

A toutes ces questions, un amoncellement de réponses contradictoires.

La doctrine de la guerre juste est un concept initié par la religion catholique

Derrière une femme en pleurs, une ville bombardée
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Inauguré par Cicéron, le concept de guerre juste a surtout été développé par Saint Augustin au IVème siècle, Saint Thomas d’Aquin au XIIIème siècle et aujourd’hui Michael Walzer, philosophe américain, auteur de Guerres justes et injustes en 2006.

Mais les guerres de religion (catholiques) étaient-elles des guerres justes !

Saint Augustin est le premier, au IVe siècle, à introduire l’idée que la guerre peut être juste si elle permet d’amener la paix. Les guerres de religions ont-elles amenées la paix ?

Deux principes sous-tendent toute la théorie de la guerre juste : nécessité et proportionnalité. Trois moments sont distingués pour juger de la guerre juste :

1. Droit de faire la guerre (jus ad bellum)

Une guerre juste est une guerre de légitime défense. Elle peut aussi être considérée comme juste si elle est déclenchée par un pays tiers pour le compte de l’État agressé.

Elle ne doit pas attaquer directement et intentionnellement des non-combattants. Les dommages ne doivent pas être disproportionnés quant aux avantages qu’ils permettent dans le déroulement de la guerre.

Une guerre juste ne peut pas être déclenchée si les chances de victoire sont illusoires et elle peut l’être seulement si c’est le dernier recours possible.

2. Droit pendant la guerre devenu droit international humanitaire (jus in bello)

Voici quelques exemples d’actes considérés comme des crimes de guerre par les Nations Unies :

  • Le fait de diriger intentionnellement une attaque en sachant qu’elle causera incidemment des pertes en vies humaines dans la population civile, des blessures aux personnes civiles, des dommages aux biens de caractère civil ou des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel qui seraient manifestement excessifs par rapport à l’ensemble de l’avantage militaire concret et direct attendu ;
  • Le fait de tuer ou de blesser par traîtrise des individus appartenant à la nation ou à l’armée ennemie ;
  • Le fait d’employer du poison ou des armes empoisonnées ;
  • Les prises d’otages ;
  • Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des bâtiments consacrés à la religion, à l’enseignement, à l’art, à la science ou à l’action caritative, des monuments historiques, des hôpitaux et des lieux où des malades et des blessés sont rassemblés, pour autant que ces bâtiments ne soient pas des objectifs militaires ;
  • Le fait de tuer ou de blesser par traîtrise un adversaire combattant ;

3. Le droit après la guerre (jus post bellum)

La réflexion est ici plus contemporaine. A la suite d’une guerre, il ne devrait pas y avoir d’atteintes graves aux conditions de vie de la population des états vaincus.

La vengeance et l’humiliation des peuples vaincus après la guerre n’est pas une bonne solution. Il suffit de se souvenir de ce traité de 1918, suite à la première guerre mondiale, qui a humilié l’Allemagne et qui a aidé plus tard Hitler à prendre le pouvoir.

Le Président Biden lors de son allocution du 18 octobre 2023 dit :

« Il faut que justice soit faite.

Mais je vous mets en garde : vous ressentez cette rage, mais ne vous laissez pas consumer par elle.

Après le 11 septembre, nous étions furieux aux États-Unis. Nous avons cherché justice et nous sommes arrivés à nos fins, mais nous avons aussi commis des erreurs. »

En effet, eu égard à la situation en Irak et en Afghanistan aujourd’hui, on peut se dire que la vengeance, qui ne tient pas compte des conséquences possibles, est une erreur fondamentale.

La guerre, avec ses souffrances, laisse aux vaincus le désir irrésistible de venger ses martyrs.

Si tu veux la paix, prépare la guerre

Colombe de la paix
Photo de Gerd Altmann sur pixabay.com

Plusieurs états ont tirés une leçon face à l’agression de la Russie en Ukraine. Si l’Ukraine disposait encore de la bombe atomique, la Russie aurait-elle décidé de l’envahir ?

Par ailleurs, on voit bien les précautions des occidentaux pour ne pas trop énerver la Russie. Plusieurs pays peuvent donc considérer qu’ils doivent absolument se doter de l’arme nucléaire. Peu de chances que cela génère la paix.

Difficile dès lors de ne pas comprendre que nous sommes en pleine escalade et que la guerre juste et légitime ne sera sans doute pas la priorité première.

N’oublions pas que si on veut la guerre, on prépare la guerre. Une fois qu’un pays a fabriqué des armes, il doit les vendre ou les utiliser.

Seules deux types de guerres ne sont pas considérées comme justes dans la doctrine de la guerre juste

La guerre préventive

Lance missile en action
Photo de Defence-Imagery sur pixabay.com

Lorsque l’Irak de Saddam Hussein envahit le Koweït, trois résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations Unies donnent le feu vert aux hostilités.

Il s’agit là d’une guerre de légitime défense ayant pour but de venir au secours d’un état agressé et de libérer son territoire.

Au regard du jus ad bellum, cette guerre est juste.

Mais les Nations Unies n’encouragent pas la seconde guerre du golfe. On crée alors le concept de « guerre préventive ».

Non seulement cette guerre n’est pas une guerre de légitime défense mais les Etats-Unis vont en profiter pour décider la politique intérieure irakienne en installant un gouvernement de transition.

Le droit d’ingérence humanitaire

Pour les partisans du droit à s’ingérer dans les affaires internes d’un autre État, comme Bernard Kouchner en France, ce type de guerre est juste et serait même un devoir moral. Pour d’autres, le prétexte des droits humains serait un subterfuge pour avoir l’approbation des populations. Les pays en développement en particulier, soupçonnent derrière un prétexte humanitaire, que son usage réponde à des motivations politiques.

Hitler, en son temps, prétend régler la question des sudètes, cette population d’origine allemande, en 1938. La Russie prétend protéger les russophones de Crimée en 2014. La doctrine de la juste guerre n’accepte pas ces guerres.

La guerre juste existe-t-elle ?

Mitrailleuse visant une petite fille
Photo de Gerd Altmann sur pixabay.com

La principale limite de la guerre juste est que toute guerre est considérée comme juste par celui qui l’engage.

Alors qu’on s’inquiète pour des civils, on considère assez peu le sort des militaires.

Faut-il rappeler qu’un militaire est un salarié de l’armée ou un volontaire qui défend son pays ou un civil mobilisé.

En quoi la mort d’un militaire est-elle plus juste que celle d’un civil ?

La guerre « en réaction » produit un sentiment de réponse à l’agresseur mais il est impossible d’écarter le fait que certaines guerres de légitime défense couvrent en fait des motivations moins avouables.

Chaque belligérant dit posséder une juste cause. Mais aucun tribunal n’existe pour départager ces causes et donc choisir celle qui serait juste. Alors il est sans doute plus prudent d’arrêter de chercher la justice dans les guerres.

Je laisse à Jean-Jacques Goldman, Carole Fredericks et Michael Jones le soin de conclure avec « Né en 17 à Leidenstadt »

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